Les neuf clés de la spiritualité Massaï

Inspiré du livre de Xavier Peron, « Tu ne peux pas presser la déesse en lui donnant un coup de coude ». J’ai rencontré les Maasaï lors d’un voyage au Kenya et j’ai pu échanger avec Xavier Peron. J’ai adoré cet état d’esprit. Je vous partage leur état d’esprit si enrichissant.

Première clé : Aingoru Enkitoo – « Recherche le Bon Ordre Intérieur »

Le monde, l’Univers, tout ce qui nous environne, mais aussi, vous, nous, moi, est sacré dans le sens où il s’agit d’un immense champ d’énergie, encore inexploré, qui permet à chacun d’entre nous de se construire dans son être, mais aussi de communier, de partager et d’être en relation avec l’ensemble de la Création. Être dans la justesse – dans ses mots, dans ses actions -, cela signifie pour les Maasaï être reliés à Enk’Aï, la Déesse, le champ supérieur d’énergie. Une posture qu’exprime l’expression « avoir le regard clair et la démarche alerte » : la clarté du regard signifie que la cohérence intérieure se voit à l’extérieur ; quant à la démarche alerte, elle témoigne d’un sentiment de légèreté et de sécurité dû à la certitude de          marcher sur son bon chemin. Troubles, conflits, agitations sont, en revanche, les signes que l’on est décentré et que l’on s’est éloigné de sa « mission ». Car pour les Maasaï, être en quête du bon ordre, c’est aussi chercher ce l’on est venu faire sur terre. 

Écouter les message de son corps, lorsque l’on fait un choix ou prend une décision est la première clé à mettre en pratique. Si ces messages sont justes, sous les émotions superficielles (appréhension, excitation), l’on doit ressentir une vague de calme, une sensation de paix intérieure. 

Deuxième clé : Ilmao – « Accepter la dualité »

Le terme « Maasaï » provient du mot ilmao (« les jumeaux »), qui exprime la croyance selon laquelle toutes les choses sont reliées à d’autres pour former des paires d’éléments complémentaires. Comme dans le Tao et sa figure du Yin et du Yang, les contraires existent, mais ils ne sont pas antagonistes. La dualité règne à l’extérieur (comme le jour et la nuit, la pluie et la sécheresse) mais aussi à l’intérieur de soi, où s’entrechoquent les élans altruistes et les désirs égoïstes, la peur et le courage, … Refuser cette dualité est, pour les Maasaï, le meilleur moyen de souffrir et d’être en conflit avec les autres. D’où la nécessaire acceptation de la dualité du monde et des êtres, une posture qui favorise la patience et la bienveillance. 

Il s’agit de mettre en adéquation ses mots et ses actes pour éviter les dissonances, les antagonismes, sources de déséquilibre personnel et relationnel. Actes et mots doivent être jumeaux. Aucune différence entre le penser, le dire, le faire chez les Maasaï, qui savent par expérience que cette cohérence est la garantie des relations saines et durables.

Troisième clé : Osina Kishon – « Accueillir la souffrance-don » 

Sans souffrance, pas d’éveil. C’est la conviction profonde des Maasaï, qui voient, dans les épreuves envoyées par Enk’Aï, l’opportunité de grandir. Un de leurs proverbes sacrés en témoigne : « La chair qui n’est pas douloureuse ne ressent rien ». Dans cette perspective, ils remercient la Déesse-Mère de placer l’épreuve-opportunité sur leur chemin. Leur rituel collectif consiste alors à « nouer son cœur » en faisant huit nœuds (représentant l’épreuve) sur une corde (le cœur), qu’ils vont dénouer (symbole de la résolution), montrant ainsi que, encore une fois, tout est dual et que l’on ne peut délier le problème qu’en le reconnaissant comme sien puis en affrontant la difficulté pour le résoudre. 

Il s’agit de procéder comme les Maasaï qui visualisent leurs émotions (peur, tristesse, colère, abattement, désir de vengeance, …) et les transportent vers leur cœur pour les brûler et les transformer en vive énergie, à la manière de l’alchimiste qui, dans son athanor, transforme le plomb en or.

Quatrième clé : Merrumoroyu énergie Nkaï tendakule – « Tu ne peux pas presser la Déeesse en lui donnant un coup de coude ».

La patience vient à bout de toutes les difficultés et permet surtout de comprendre Ce-Qui-Est. Pour cela, il ne faut pas être distrait ou faire des efforts, ce qui est la même chose. Pour comprendre ce qu’un interlocuteur nous dit, l’on ne peut pas en même temps écouter les conversations des autres : il faut lui accorder toute notre attention. La pensée de beaucoup de gens est devenue une distraction. Il devient donc extrêmement difficile pour eux de percevoir Ce-Qui-Est. Ils ne peuvent plus le comprendre, leur esprit étant bien trop préoccupé par le passé, le futur, fuyant dans toutes les directions, impatients. Or, sans cette compréhension, la vie n’a aucun sens. Elle n’est qu’une guerre permanente où la dualité, la douleur et la souffrance se perpétuent. L’on est réduit ne plus la regarder qu’à travers les lunettes des préjugés et d’identifications. Être conscient de Ce-Qui-Est nous révèle au contraire les profondeurs de la Vie dans lesquelles se trouvent la joie, le bonheur et la seule Réalité. Méditer, faire silence, amène à ressentir au plus intime de soi Ce-Qui-Est, et grâce à une pratique quotidienne de quelques minutes, l’on n’a plus jamais d’effort à faire pour le retrouver. 

Cinquième clé : Melang’i inkirragat – « Tu ne peux passer au-dessus de ce qui t’est destiné »

Nous sommes tous déterminés par un destin qui nous est propre, mais qui est toujours dépendant de la Déesse Enk’Aï, raison pour laquelle il faut pardonner. Selon les Maasaï, le refus de pardonner est du pur orgueil. La seule attitude à adopter, si l’on aspire au bonheur, est d’avoir la certitude reconnaissante pour tout ce qui arrive. Apprendre à être dans la gratitude à chaque instant, apprendre à remercier l’Univers, Enk’Aï, dès le réveil, à remercier le Grand Tout. Ce faisant, très vite, l’on prend conscience que ce l’on avait pris pour une frustration au moment où on le vivait, n’était qu’un moyen pour s’écarter d’une voie pleine de dangers ; et que, inversement, ce l’on avait tenu pour une circonstance favorable s’était révélée être une impasse. 

Faire de plus en plus confiance à la Vie pour se « centrer » et préciser à son attention ses désirs les plus secrets sont les fruits de cette cinquième clé. 

Sixième clé : Olotuno – « Être le planteur de son jardin intérieur »

A la posture du constructeur, les Maasaï préfèrent celle du « planteur ». Alors que le premier se concentre uniquement sur la réalisation de l’objectif qu’il s’est fixé, la construction, le second « plante » son arbre, le soigne, mais accepte de faire avec ce qui lui échappe (le rythme de la croissance, les aléas climatiques). Concrètement, même si les Maasaï sont de purs pasteurs et non pas des agriculteurs, « être planteur », selon eux, c’est se mettre en phase avec le moment présent et se maintenir dans un état entre vigilance et confiance, volonté et humilité. Cette souplesse est facteur de sérénité, de patience et prémunit contre la colère et la déception. 

Comme pour tout Maasaï accompli, l’idée est de découvrir en son être intime le point central autour duquel mobiliser toutes les forces profondes enracinées, de se libérer du poids de l’indécision et d’entrer dans le monde réel, celui que l’on porte à l’intérieur et non à l’extérieur. 

Septième clé : Mme Neijia – « Ne pas être d’accord de ne pas vivre en accord »

Il s’agit de mettre en acte le fait de ne plus être en accord, seule façon de pouvoir entrer dans son corps une fois pour toutes et dans sa densité. Savoir dire non à ce qui nous entrave. Chez les Maasaï, rien ne peut plus désormais être ajouté ni retranché à sa propre décision. Selon eux toujours, il est vain de gaspiller son temps à cogiter et à ruminer, ce qui épuise physiquement et psychiquement. En effet, se sentir prisonnier d’une situation que l’on réprouve ne nous permet plus d’entrer dans le monde réel qui est en soi. Il ne peut alors demeurer qu’une grande souffrance, un grand fardeau. 

Apprendre à se poser, à respirer, à ne rien faire ; détendre son corps, diminuer l’excitation, l’agitation mentale ; confiance, décision, équilibre, bien-être, telles sont les devises Maasaï du rayonnement. 

Huitième clé – Anoto – « Être en plein accord avec sa réussite »

Être en plein accord avec sa réussite annonce un grand épanouissement et une récolte féconde. Il s’agit ici d’un grand principe de vie chez les Maasaï. Lorsque la réussite est déjà là, qu’elle saute aux yeux et qu’elle frappe à sa porte, l’on n’a plus d’autre choix que de l’accepter. Elle a pour signe avant-coureur un grand essoufflement. Rien que de très normal en somme, car il s’agit d’une cycle naturel qui n’est dû ni à un abus ni à une cause psychologique. C’est au contraire une fatigue qui résulte de son labeur et qui annonce une abondance illimitée. La refuser reviendrait à s’infliger la pire des malédictions car il est impossible de dire non à la vie. Impossible par conséquent de refuser sa propre réussite, sauf à consentir à que sous-entend le proverbe Maasaï « Ake earr oltungani olosek lenye, l’homme se laisse toujours piéger par lui-même ». 

Avoir la foi en un authentique engagement, se brancher sur ce l’on est vraiment, ne pas laisser le mental remplacer son cœur et s’imaginer qu’en ne goûtant pas à la coupe de la réussite on évitera de souffrir une fois qu’elle sera vide, sont la conclusion de la huitième clé. 

Neuvième clé – Ore olonoto Enkitoo supat nenoto olpusii ogol enkinyianga – « Celui qui est heureux en couple est plus riche que celui qui possède une pierre précieuse »

Chez les Maasaï, l’éveil à la force de l’Amour correspond à l’éveil de l’Homme. Ils l’appellent Enyorrata. Chez eux, quand ils donnent librement de l’amour, ils se donnent tout entiers, ils sont vrais avec eux-mêmes, ils ne trichent pas, ils ne comptent pas. L’Amour et la Vértité sont une seule et même chose, au point qu’ils disent : Ore olonoto Enkitoo supat nenoto olpusii ogol enkinyianga – Celui qui est heureux en couple est plus riche que celui qui possède une pierre précieuse. 

Il s’agit donc de choisir avec clarté la personne avec laquelle l’on pressent le bonheur d’être en couple et, le jour venu, de s’abandonner à cette personne. De la même façon que le ciel donne le liquide amniotique à la terre ; que le soleil donne sa lumière aux arbres ; que les arbres donnent leurs fruits aux oiseaux, aux girafes et aux éléphants ; que ceux-ci disséminent les graines qui s’offrent à la terre : et que la terre gorgée de liquide amniotique fait germer la vie, l’on renferme son propre cercle avec une grande confiance, sa vie devant soi, toute sa vie.